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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 09:45


Texte tiré de http://www.reportage.loup.org/html/mythologie/mythologie.html

 

C'est grâce aux Esquimaux que l'homme occidental, au XXe siècle, a commencé à connaître le loup. Le savoir ancestral inuit a permis à la science d'évoluer dans le domaine des théories de la survivance des plus aptes par le biais de la sélection naturelle.

 

La mythologie inuit a devancé le XXe siècle

Il est des peuples qui n'ont jamais imaginé que le loup puisse être méchant, ni même nuisible. Les Esquimaux parlent du loup avec admiration et gratitude depuis des milliers d'années. Chez nous, il fallut attendre la seconde moitié du XXe siècle avant que ne soit remise en question la véracité des innombrables récits qui ont fait trembler l’inconscient humain. Jusqu’au jour où les témoignages de l’histoire furent confrontés aux découvertes des zoologistes. Pourtant, comme souvent, ce savoir scientifique existait déjà, sous la forme des mythes, chez les Inuit. L’un d’eux parle du rôle du loup dans la nature, d’écologie, d’équilibre naturel et d’interdépendance prédateur-proie… Autant de concepts que nous découvrirons bien plus tard par l’intermédiaire de la science, faute d'avoir su écouter les sages venus d'ailleurs.

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Le loup : cadeau du ciel


C’est Farley Mowat, dans son roman « Mes amis les loups », publié en 1963, qui ramènera la légende esquimaude sur la naissance des loups. Celui-ci raconte sa véritable aventure dans le Grand Nord canadien. Au travers de la vie quotidienne des loups, par ses convictions profondes sur leur intelligence et leur sociabilité, étayées par ses observations scientifiques, le biologiste nous fait douter de la nature humaine - pour peu qu’il y en ait une ! - et nous invite à remettre en question toute notre mentalité occidentale.A cette époque, le loup était considéré comme une bête extrêmement dangereuse pour l’homme, parce que sanguinaire et dotée d’armes redoutables. C’est donc la peur au ventre que Farley Mowat débarque sur son territoire, mandaté à la sortie de ses études par le gouvernement canadien pour prouver précisément que le loup est un animal "assoiffé de sang et insatiable, responsable de la disparition progressive des caribous dans les toundras". C’est dans cette intention que, pétri de toute l’ignorance de l’époque sur le sujet, il part mener à bien la mission « Canis Lupus ».

Ses premières rencontres, quoique marquées par la méfiance, l’ont mené à la merci du loup. Il fut le premier surpris du chaleureux accueil qu’il reçut : « Inutile de discuter, je venais de réaliser que la conception du caractère des loups, telle qu’elle était enracinée dans mon esprit conditionné et universellement acceptée par les humains, n’était qu’un mensonge éhonté, ou, tout au moins, une élaboration très fantaisiste. » (MOWAT, 1974, 89). Plus tard, Mowat ira même jusqu’à planter sa tente à quelques pas de leur tanière.

La plupart des premières découvertes qui découleront de cette cohabitation se verront confirmées par la rencontre de Ootek, un Esquimau, dont le totem, l’ « esprit bénéfique », n’est autre que Amarok, le loup, auquel il s’intéresse tout particulièrement. C’est donc lui qui nous raconte la conception esquimaude de l’origine du loup :

Kaïla, qui est le Dieu du ciel, dit à la Femme que le caribou était le plus grand cadeau qu’elle lui faisait, parce que le caribou servirait à faire vivre l’Homme. Rapidement, le pays fut rempli de caribous de sorte que les Fils de la Femme chassèrent bien, furent bien nourris et vêtus et qu’ils eurent de bonnes tentes de peaux pour y vivre, tout cela grâce au caribou. Les Fils de la Femme ne chassèrent que les caribous gros et gras, car ils ne souhaitaient pas tuer les faibles, les petits et les malades, parce qu’ils n’étaient pas bons à manger et que leurs peaux n’étaient pas bonnes. Il y eut de plus en plus de caribous faibles et malades et de moins en moins de caribous gros et gras. Alors, la Femme parla à Kaïla qui, elle-même, parla à Amarok, l’esprit du loup qui, à son tour, parla à ses enfants. Et ceux-ci mangèrent les caribous faibles et malades afin que le pays soit réservé aux caribous gros et gras. C’est pourquoi le caribou et le loup sont un, car « le caribou nourrit le loup, mais c’est le loup qui maintient le caribou en bonne santé ». (MOWAT, 1974, 140).


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Sur les traces de la légende, l'indignation


Sans doute serons-nous assez étonnés par cette histoire car nous ne sommes pas préparés à écouter un Esquimau illettré nous donner une leçon, même sous forme de parabole, illustrant la théorie de la survivance des plus aptes par le fonctionnement de la sélection naturelle. Pourtant, cette théorie sera à chaque fois vérifiée par l’expérience, que ce soit en observant les techniques de chasse de l’animal ou en étudiant l’influence de la présence du loup sur ses proies. Cela doit être observé en détail mais on peut d’ores et déjà dire que si le loup a vécu des milliers d’années avec les cervidés, c’est qu’il est un prédateur, certes, mais un prédateur sélectif, ne frappant que les animaux faibles, malades ou vieillis, jouant ainsi un rôle indispensable de stabilisateur.

S’il n’y avait plus de loups, il n’y aurait plus non plus de caribous car ils mourraient des maladies qui se répandraient parmi eux. Le loup est en quelque sorte un agent sanitaire de la nature. Bien que celui-ci ait mangé des caribous durant quelque dix mille années sans décimer les troupeaux  et ne puisse donc être tenu pour responsable de la disparition des caribous dans le Grand Nord, l’énigme sur celle-ci reste en suspens. Enigme que Farley Mowat n’aura que très peu de mal à résoudre.

Il raconte alors comment la chasse au loup est menée par les trappeurs parallèlement à la chasse aux caribous. Les trappeurs ne peuvent souffrir les loups, car, en plus de leur faire concurrence dans la chasse aux caribous, ils déclenchent les pièges destinés aux renards sans toutefois se faire prendre eux-mêmes, rendant complètement inefficace le piégeage. De plus, pour la plupart, les trappeurs blancs ont peur du loup. « Quelques-uns en ont même une peur mortelle et il n’y a rien de tel que l’aiguillon de la peur pour jeter les hommes dans une furie de violence et de destruction. La guerre contre les loups est menée à boulets rouges par les gouvernements provinciaux et fédéral. La plupart d’entre eux offrent des primes allant de dix à trente dollars par loup abattu. Aux époques où les cours des peaux de renards et d’autres fourrures sont bas, ces primes deviennent un véritable subside payé aux trappeurs et aux commerçants. »(MOWAT, 1974, 258). Par ailleurs, les caribous continuent à être tués pour leur peau, voire massacrés dans des safaris parfaitement organisés pour les plus riches et les moins scrupuleux par le bureau de tourisme de la région. Emmenés en hélicoptère ou en avion, les chasseurs mitraillent les troupeaux d’en haut puis ramassent les trophées en bon état parmi les décombres. Attribué au loup, ce massacre contribuera, par ailleurs, à légitimer celui du loup.

Mowat ne recevra jamais de réponse à son rapport. A moins que l’augmentation manifeste des primes accordées dans les années qui suivirent (années 60) puisse être considérée comme une réponse. Malgré tout et heureusement, il ne put garder son indignation pour lui-même.

 

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