C'est la semaine d'abolition de la viande. Vous ne le saviez pas ? Pourtant, cette manifestation mondiale, du 24 au 31 janvier, a lieu cette année dans un contexte qu'on pourrait croire plus favorable que jamais. Ou plutôt moins défavorable.
Les critiques contre la viande deviennent plus courantes dans les médias, notamment à la faveur de livres remettant en cause sa consommation. "Parler d'abolition de la viande reste très difficile", estime pourtant Brigitte Gothière de L214. Ce discours reste perçu comme radical en France, estime la responsable de cette association de défense des animaux, qui coorganise un défilé à Paris, samedi 29 janvier.
"Manger de la viande tue." Les Inrocks n'a pas été le premier média à s'intéresser à la critique de la viande, mais sa couverture de son numéro du 18 janvier a marqué par son ton, sans nuance. C'est surtout un symbole d'un changement d'ambiance autour du thème de la société carnivore.
Il est en partie dû au succès du livre du romancier américain Jonathan Safran Foer - Faut-il manger des animaux ? - assez largement relayé dans les médias. Cet essai vient lui aussi après d'autres ouvrages, comme Bidoche, du journaliste Fabrice Nicolino, paru en 2009 avec le sous-titre : "L'industrie de la viande menace la planète." (voir le chat avec Fabrice Nicolino, vendredi 28 janvier à 12 heures, sur Le Monde.fr)
L'ARGUMENT DES ANIMAUX
"Le livre de Jonathan Safran Foer est un témoignage mais il ne présente pas de conclusion. La semaine d'abolition de la viande présente une vision du monde, qui montre qu'on peut se passer de viande", estime Brigitte Gothière. "Nous disons : les animaux sont sensibles. Nous n'avons pas besoin de les exploiter pour vivre en bonne santé. Donc... prenons en compte le fait que nous n'avons pas le droit de les faire souffrir et de les tuer, simplement parce qu'ils sont d'une espèce différente de la nôtre." Ces arguments fondés sur la défense des animaux restent assez difficiles à faire passer en France. Et la critique de la viande a notamment progressé quand a émergé un argument plus écologiste, de défense de la planète : l'élevage industriel est responsable de beaucoup d'émissions de gaz à effets de serre, et le niveau de consommation de viande que nous avons dans les sociétés occidentales n'est pas généralisable.
"On entend de plus en plus de critiques de la viande, analyse Brigitte Gothière, mais sous l'angle : 'Il faudrait en manger moins'. Parmi les raisons avancées, on trouve souvent des arguments écologistes, ou un souhait d'élevages moins industriels ou un souci pour sa santé : la viande est tenue pour responsable de cancer et de hausses de cholesterol, à haute dose, mais aussi d'affaiblir l'efficacité des antibiotiques, ainsi que de faire émerger des maladies comme la grippe aviaire."
Les partisans de la semaine d'abolition de la viande ont mené des actions dans plusieurs villes françaises cette semaine, souvent des tractages et des initiatives plutôt modestes. Lors de la manifestation parisienne, samedi à 14 heures, les organisateurs ont choisi un code couleur qui en dit long sur leur stratégie pour faire passer leurs arguments : les "tonalités lugubres" quand il évoque les animaux tués et les tonalités "chaleureuses et festives" parce que "l'abolition de la viande, c'est pas la mort".